lundi 12 octobre 2009

La petite Jeanne de Victor Hugo




















Dans L’âge difficile d’Henry James il y a une phrase sur les jeunes filles. Elles sont comme des agneaux avec un ruban autour du cou qu’attendent, «dans leur avenir, les grands abattoirs de la vie ». En lisant les poèmes de Victor Hugo sur sa petite Jeanne, je me demande quels seraient les grands abattoirs qui l’attendent dès que de l’art du grand-père il ne lui resteront que la renommée et éventuellement la fortune pour comme protection.

« Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé,

Etant femme, se sent reine ; tout l’ABC

Des femmes, c’est d’avoir des bras blancs, d’être belles,

De courber d’un regard les fronts les plus rebelles,

De savoir avec rien, des bouquets, des chiffons,

Un sourire, éblouir les cœurs les plus profonds,

D’être, à côté de l’homme ingrat, triste et morose,

Douces plus que l’azur, roses plus que la rose ;

Jeanne le sait ;

elle a trois ans, c’est l’âge mûr :

Rien ne lui manque ; elle est la fleur de mon vieux mur,

Ma contemplation,

mon parfum, mon ivresse ;

Ma strophe, qui près d’elle a l’air d’une pauvresse,

L’implore, et reçoit d’elle un rayon ; et l’enfant

Sait déjà se parer d’un chapeau triomphant,

De beaux souliers vermeils, d’une robe étonnante ;

Elle a des mouvements de mouche frémissante ;

Elle est femme, montrant ses rubans bleus ou verts,

Et sa fraîche toilette, et son âme au travers ;

Elle est de droit céleste, et par devoir jolie ;

Et son commencement de règne est ma folie. »

Ça commençait bien. D’être autant femme aussi tôt, le chemin était tracé : plaire puis pleurer. Du divorce de Jeanne, « la petite-fille d’Hugo d’avec le fils de Charcot », on peut même trouver en ligne la page d’annonce dans le New York Times du 16 février 1905 comme si elle était d’actualité. Ses autres mariages n’étaient guère plus heureux, avec Léon Daudet d’abord, avant donc Jean Charcot, et enfin avec Michel Négreponte (1872-1914) capitaine de l'armée hellénique, mort dans un grand abattoir s’il en est. Enfin, la petite Jeanne aura au moins réussi cela qui n’est pas donné à tout le monde : épouser en troisièmes noces son premier amour.

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